Résumé:
"Les jeunes femmes autochtones sont héritières de sagesses ancestrales brimées par l’histoire coloniale dont les répercussions continuent d’affecter toutes les sphères de leur existence (Green, 2017). Cette réalité contemporaine se traduit notamment en trajectoires de scolarisation atypiques et parsemées d’obstacles systémiques (Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, RCAAQ, 2020). Or, en deçà de la méfiance qu’elle suscite toujours, l’éducation constitue leur meilleur levier d’autodétermination, d’où l’importance de soutenir les étudiantes autochtones dans leur parcours d’études par des approches holistiques, culturellement pertinentes, signifiantes et sécurisantes, fondées sur les savoirs ancestraux et visant leur mieux-être (Mareschal et Denault, 2020). À cet égard, plusieurs recherches démontrent que l'expression artistique contribue à la réaffirmation identitaire et à la réappropriation culturelle de la jeunesse autochtone (Conrad, 2020; Favell, 2020; Hatala et Bird-Naytohow). Les méthodologies relationnelles et créatives sont d’ailleurs des avenues privilégiées pour documenter leur vécu (Kaine, 2020). Cette thèse porte sur un projet de création collective mené avec des étudiantes autochtones du collégial dans une visée de mieux-être. Elle s’inscrit dans le mouvement actuel de résurgence culturelle autochtone (Chilisa, 2019; Côté, 2017). Fondamentalement sociopolitique et thérapeutique, le théâtre autochtone s'impose comme vecteur de résistance et de résilience (Hébert et St-Amant, 2021; Laflamme, 2010; Sioui Durand, 2020; Vigneault, 2023). Guidée par une épistémologie décoloniale (Smith, 2012) et des approches narratives autochtones (Archibald et al., 2019), cette recherche-action basée sur l’éducation théâtrale étudie les retombées du codéveloppement d’une démarche de théâtralisation de récits de vie sur l’expression d’apprentissages liés aux quatre dimensions (tête, corps, cœur, âme) du mieux-être holistique d'étudiantes autochtones du collégial. Tout au long de cette recherche, la libre expression des voix de la jeunesse autochtone féminine a constitué le centre de mes priorités. Dans une posture d’humilité culturelle pédagogique impliquant une écoute active, j’ai accompagné les participantes dans l’expression de leurs préoccupations et de leurs héritages culturels en vue de les inclure dans chaque proposition artistique lors des ateliers théâtraux. À toutes les étapes, je devais m’assurer de respecter les recommandations éthiques que propose la recherche par, pour et avec les femmes autochtones (FAQ, 2012a). Ces lignes directrices placent le développement de relations basées sur la réciprocité au cœur de toute initiative collaborative avec les Premiers Peuples, ce qui caractérise les dynamiques relationnelles vécues dans cette recherche. Il en ressort un modèle pédagogique de création holistique comportant 13 clés stratégiques pour la théâtralisation de récits de vie. L’approche développée est infusée de principes en pédagogie autochtone (Battiste, 2013; Bell, 2014; Campeau, 2019; Toulouse, 2016). Tissées de repères culturels et de symbolismes autochtones, les deux œuvres vivantes qui en découlent, une pièce de théâtre et une vidéo documentaire, s’imposent comme moyen radicalement pacifique pour une jeunesse autochtone sensible et engagée de prendre parole dans l’espace public afin de marcher vers leur mieux-être individuel et collectif. Proposant un modèle inédit à la croisée de champs de recherche en essor, cette thèse souhaite contribuer à l’avancement des connaissances en éducation autochtone et de la didactique de l’art dramatique, notamment." -- Résumé de l'auteure