Résumé:
"Cette thèse porte sur les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui ont choisi d’étudier dans un cégep anglophone au Québec. La thèse s’inscrit dans un contexte social où les langues française et anglaise n’ont pas le même poids démographique, économique, politique et culturel et une liberté de choix quant à la langue de scolarisation à l’enseignement supérieur s’opère. Nous nous intéressons plus particulièrement à comprendre les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais, les expériences d’études collégiales en anglais et les impacts sur les parcours scolaires, professionnels et personnels chez de jeunes francophones du Québec. Nous nous inscrivons dans une perspective constructiviste de la sociologie de l’éducation, en adoptant deux cadres théoriques qui permettent de rendre compte de la capacité interprétative de l’acteur et du rôle des structures sociales. En ce sens, nous mobilisons la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 2017) pour comprendre les expériences de choix du cégep anglophone et des études collégiales en anglais, et l’approche processuelle (Bidart, Longo, & Mendez, 2013; Mendez, 2010), pour comprendre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Pour rendre compte de ces parcours, 37 entrevues de type récit de vie ont été menées auprès de francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais et qui, au moment de l’entrevue, sont sur le marché du travail. C’est donc à travers un regard rétrospectif sur les parcours que nous avons cherché à comprendre le sens que donnent les acteurs à leurs actions. Les résultats de la thèse concernent, en premier lieu, une typologie des expériences de choix du cégep anglophone. Trois types d’expérience de choix ont émergé de nos données : le choix stratégique, le choix de développement personnel et le choix par défaut. Ces résultats montrent que le cégep anglophone est choisi essentiellement pour des raisons stratégiques liées au marché du travail et pour des raisons liées à l’accomplissement personnel. De manière plus marginale au sein de notre corpus, le choix du cégep anglophone s’explique aussi par des raisons extérieures à la langue anglaise. Dans un deuxième temps, nous présentons des résultats concernant les expériences d’études collégiales en anglais. Cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais se dégagent des données : l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience d’intégration sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience de rupture. Cette typologie montre que l’expérience d’études collégiales en anglais s’articule au regard de logiques de l’action sociale et d’une adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le plan social. Nos résultats mettent en exergue que différentes expériences sont vécues au regard de cette articulation. Enfin, dans un troisième temps, une typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours montre l’entrecroisement des pratiques linguistiques dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. Sept types ont émergé de nos données : le parcours d’anglicisation, le parcours de continuation dans des sphères anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à des sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle, le parcours de détachement face à l’anglais et le parcours de déplacement vers l’espagnol. Malgré la diversité de parcours, il s’avère que la majorité des francophones qui ont réalisé des études dans un cégep anglophone naviguent, dans la suite de leur parcours de vie, entre l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que l’identité linguistique francophone se maintient en dépit d’études collégiales en anglais et de la suite du parcours, que celle-ci soit marquée ou non par la langue anglaise dans les diverses sphères de vie. Les identités civiques se maintiennent elles aussi, bien qu’une minorité de participants s’ouvrent à une identité canadienne. La thèse se conclut par un retour sur les lignes directrices qui ont structuré et guidé la thèse. Une discussion de nos résultats de thèse au regard de recherches antérieures est également réalisée. Finalement, les retombées sociales de la thèse ainsi que des pistes de recherche sont proposées. Sur le plan scientifique, notre thèse contribue à l’avancement des connaissances dans le champ de recherche sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en considérant la langue d’études au prisme des analyses. Sur le plan social, elle génère des connaissances au débat sociopolitique sur l’accès aux cégeps anglophones, sur les rapports aux langues anglaise et française chez de jeunes Québécois francophones, pour les établissements d’enseignement collégial anglophones et pour les acteurs de l’orientation scolaire et professionnelle." -- Résumé de l'auteure