Résumé:
"Dans les pratiques d’enseignement de l’histoire de l’art, la projection de reproductions numériques fait généralement consensus pour des raisons d’accessibilité et d’efficacité (Nadon, 2018; Shaw et Wagelie, 2016). En ouvrant l’espace de la classe, soit en investissant celui du musée, une rencontre sensible se crée avec les objets d’art réels. S’intéressant aux paramètres d’un contact direct avec les œuvres qualifiées d’authentiques (Benjamin, 1933/2013a; Nadon, 2018), la présente étude porte sur l’exploration de l’expérience esthétique vécue au musée par des personnes étudiantes du collégial dans le cadre d’un cours d’histoire de l’art. L’objectif général de cette recherche est donc de décrire, selon le discours de personnes étudiantes, leur rapport face aux œuvres d’art en fonction de l’expérience esthétique vécue lors d’une visite au musée. L’expérience esthétique peut être définie comme une dynamique attentionnelle relevant du contact avec l’œuvre d’art et qui s’intensifierait à la présence du sensible (Kerlan, 2018; Massin, 2013; Nadon, 2018; Schaeffer, 2015). Dans un cours en histoire de l’art au cégep de Ste-Foy, deux classes ont été amenées à effectuer un travail d’observation et de réflexion lors d’une visite au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). La collecte de données s’est déroulée en trois temps. D’abord, un questionnaire (n=13) a été complété par les personnes étudiantes avant la visite afin d’établir un profil de visiteur. Ensuite, un second questionnaire (n=13), visant à décrire et à rendre compte du déroulement de l’activité, a été rempli. Puis, un entretien individuel a été réalisé avec sept personnes volontaires de l’échantillon initial afin de récolter leurs témoignages sur les particularités de leur expérience et sur leur rapport à l’aura des œuvres d’art. Les échelles de Likert et les questions fermées ont été analysées par statistiques descriptives. Les questions ouvertes dans les questionnaires ainsi que les données issues des entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique afin de cerner le point de vue des personnes étudiantes sur les impacts de la rencontre avec les œuvres d’art. Nous avons analysé les données récoltées en tenant compte des dimensions perceptuelle, émotive et intellectuelle de l’expérience esthétique ainsi que des modalités de contact plus larges qui englobent l’espace du musée. Les résultats de notre étude montrent que le fait de s’extraire temporairement de la salle de classe pour se déplacer au musée, d’aller à la rencontre directe des œuvres, peut avoir une incidence bénéfique sur l’expérience esthétique vécue par les personnes étudiantes. Trois dimensions de l’expérience esthétique (perceptuelle, émotive et intellectuelle) sont bien présentes dans les discours des personnes étudiantes, et l’on observe des changements dans la majorité de leurs réponses lorsqu’elles comparent le contact indirect (face au diaporama) au contact direct (au musée) avec les œuvres d’art. Au fil des entretiens, certains aspects se dégagent des propos des personnes étudiantes et s’ajoutent aux effets potentiels de la visite. Entre autres, une reconnaissance de l’aura des œuvres d’art au musée est partagée par plusieurs personnes étudiantes. On remarque également dans leur témoignage une vive appréciation de la sortie malgré la nécessité de réaliser un travail pour leur cours d’histoire de l’art. En effet, les personnes étudiantes insistent sur l’importance de vivre une expérience sociale teintée de liberté dans un lieu unique permettant de se détacher des contraintes du quotidien. Cette recherche comprend deux éléments principaux contribuant à l’avancement des connaissances. D’une part, nous nous sommes penchée sur une discipline collégiale peu mise à contribution dans les recherches québécoises des dernières décennies, soit l’histoire de l’art. D’autre part, notre méthodologie impliquant des questionnaires et des entretiens individuels auprès de personnes étudiantes nous permet de recueillir de nouvelles informations sur leur rapport avec les œuvres d’art et les modalités de réception. Cela fait émerger des données inédites sur les changements qu’une visite au musée peut susciter en lien avec différentes dimensions de l’expérience esthétique. Nous pouvons ainsi recommander, et appelons des recherches futures à s’y intéresser, la rencontre directe avec les œuvres d’art dans un contexte collégial afin de favoriser un rapport plus étroit avec les objets d’analyse de la discipline de l’histoire de l’art et ainsi intensifier une dynamique attentionnelle bénéfique chez les personnes étudiantes sur les plans de la perception, de l’émotion et de la cognition." -- Résumé de l'auteure