Résumé:
"Cette étude explore les dynamiques identitaires linguistiques et culturelles des jeunes adultes québécois issus de l’immigration au sein de leur expérience collégiale. Le cégep, institution emblématique nord-américaine de formation postsecondaire, se révèle être un lieu pivot où s’entrelacent langues, cultures et identités. Dans un contexte où l’arrivée massive de nouveaux arrivants a redessiné le paysage culturel du Québec, cette recherche met en lumière comment ces jeunes adultes issus de la deuxième génération de l’immigration et de la génération 1,5 négocient, au fil de leurs expériences familiales, sociales, scolaires et collégiales, la place qu’ils accordent à leurs différentes langues et cultures. Ancrée dans une approche interactionniste de la construction identitaire et enrichie par les travaux sur le bilinguisme, le biculturalisme et les rapports ethniques, cette étude s’appuie sur quatorze entretiens semi-dirigés et un questionnaire portant sur le bilinguisme et les émotions. Nos résultats montrent que, bien que la plupart des participants se disent attachés à la langue française, leur sentiment d’appartenance à la culture québécoise reste souvent mitigé, marqué par des épisodes d’exclusion et de racisme, y compris en contexte collégial. Outre les aspects linguistiques et culturels que nous avons relevés chez les différents participants et qui nous ont permis de voir comment ils vivent leur bilinguisme et leur biculturalisme, cette recherche nous a menée vers un constat important qui touche nos participants: bien que ces jeunes adultes québécois issus de l’immigration évoluent au sein d’un milieu plurilingue incluant leur langue maternelle et le français, c’est néanmoins le français qui demeure la langue qu’ils maîtrisent le mieux. En outre, certains jeunes adultes québécois issus de l’immigration ressentent une anxiété langagière dans leur langue maternelle ainsi qu’en français, dans des contextes spécifiques que nous avons identifiés. Nous avons également observé que les jeunes adultes québécois issus de la deuxième génération de l’immigration et de la génération 1,5 ayant participé à la recherche se révèlent être des individus intégrés dans la société québécoise, maîtrisant parfaitement le français et possédant une connaissance du Québec et de la culture québécoise. Néanmoins, les obstacles auxquels ils sont confrontés, tels que l'intolérance sociale, les situations racistes, ainsi que le discours politique et médiatique à leur égard, les amènent à maintenir une certaine distance par rapport à l'identité et à la culture québécoises, tout en s’identifiant au Canada ainsi qu’à leur pays d’origine. En ce sens, nous avons procédé à une analyse des frontières ethniques et des rapports de pouvoir structurant les interactions entre groupes majoritaires et minoritaires. C’est dans ce contexte de tension entre sentiment d’appartenance et mise à distance que, au cégep, se matérialisent des mécanismes à la fois inclusifs et exclusifs. Au cœur du cégep, espace de rencontres interculturelles, émergent des mécanismes d’inclusion — dynamiques de solidarité entre pairs, activités culturelles partagées — et d’exclusion — commentaires teintés de stéréotypes et de préjugés. Nous avons constaté que certains enseignants véhiculaient un discours discriminatoire à l’égard de groupes spécifiques, notamment des femmes portant le hijab. En conclusion, les solutions proposées dans cette recherche s’appuient sur les besoins des jeunes adultes québécois issus de l’immigration afin de promouvoir une éducation interculturelle et inclusive au sein des cégeps. Elles visent notamment à renforcer la reconnaissance de la diversité, à favoriser des espaces de dialogue entre les groupes culturels et à mettre en place des pratiques pédagogiques adaptées qui valorisent les parcours et les expériences des étudiants." -- Résumé de l'auteure