"Au cours des 20 dernières années, le Québec a fait des progrès importants en matière d’éducation.
Les filles et les garçons ont considérablement amélioré leur niveau de scolarité. On constate aussi
qu’à tous les niveaux d’enseignement, exception faite du doctorat, les filles réussissent mieux que
les garçons. Chez les filles, le taux d’obtention d’un diplôme secondaire (DES et DEP) se
maintient au-dessus de 90% depuis le début des années 1990 alors que le taux d’obtention du
diplôme chez les garçons était d’un peu plus de 80% en 1995-1996 et se situait à 76% en 2000-
2001. Le cégep en particulier est demeuré pour nombre de garçons un lieu de passage difficile.
Alors que le diplôme d’études collégiales (DEC) devient de plus en plus le diplôme de base pour
l’accès au travail, les garçons l’obtiennent dans une proportion nettement moindre que les filles en
formation préuniversitaire (58% c. 69,4%) et de manière encore plus importante en formation
technique (45,7% c. 58,3%) (MÉQ, 2004). Pourtant, la réussite scolaire du plus grand nombre
d’élèves, et de façon plus spécifique celle des garçons, constitue une des préoccupations sociales
majeures du début des années 2000.
Au-delà des écarts de performance observés entre les filles et les garçons, il faut mentionner les
taux d’échecs et d’abandons scolaires, plus importants chez ces derniers. Cette situation se traduit,
entre autres, par des coûts sociaux importants. Elle soulève aussi d’autres préoccupations à l’égard
des jeunes hommes en ce qui concerne la socialisation et l’intégration réussie à l’école puis à la
société. Rappelons que le fait de porter la réalité des garçons envers l’école parmi les problèmes
sociaux prioritaires ne remet aucunement en cause l’importance de continuer à se préoccuper du
sort des filles et des difficultés propres qu’elles affrontent. On comprend cependant l’urgence
d’intervenir rapidement en ce qui regarde plus spécifiquement les garçons pour leur permettre un
rattrapage. Ce constat a milité en faveur de proposer un projet de recherche comme celui-ci,
d’autant plus que les facteurs explicatifs de la persévérance et la réussite scolaires au cégep et à
l’université demeurent beaucoup moins connues qu’aux niveaux primaire et secondaire.
C’est dans ce contexte qu’un important projet de recherche-action a eu lieu de l’automne 2001 à
l’hiver 2004 dans deux départements de techniques physiques du Cégep Limoilou : Technologies
du génie électrique et Technique de l’informatique. Ce projet visait à mieux comprendre
l’expérience d’intégration des garçons aux études collégiales et à expérimenter diverses mesures de
soutien favorisant leur persévérance et leur réussite scolaires.
Trois cycles de recherche-action ont été poursuivis. Un premier, financé à même les ressources
des partenaires, visait à mieux cerner le problème avec les acteurs du milieu. Ce cycle a permis de
mieux saisir les perceptions des acteurs du collège concernant les facteurs explicatifs des
difficultés scolaires des garçons et d’entendre leurs suggestions quant aux mesures de soutien à
apporter. En parallèle, une recension des écrits a été réalisée. Ce matériel a servi à construire des
hypothèses de travail « intelligentes ». Ainsi, lors du deuxième cycle, quatre mesures ont été
expérimentées. Ces mesures de soutien ont été élaborées selon le cadre du modèle de promotion
et de prévention de la santé que nous avons adapté au milieu de l’éducation. Il s’agissait en
quelque sorte d’agir en amont, avant que le décrochage scolaire n’apparaisse, tout en confrontant
les stéréotypes de genre qui peuvent nuire à la réussite scolaire des garçons. Les quatre mesures
sont : 1) la mise en place de groupes de soutien en classe dès le début de la première session, soit
dès l’entrée au cégep, 2) le tutorat maître-élève qui suit les groupes de soutien, 3) la formation et le
soutien des enseignants et enseignantes et 4) le marketing social et le partenariat. Les données
recueillies au cours de la première année d’expérimentation ont permis d’élaborer de nouvelles hypothèses que nous appelons « ajustées » en vue d’une deuxième expérimentation qui a eu lieu la
troisième année du projet.
Pour répondre à nos questions, divers instruments de mesures ont été utilisés, alliant des données
qualitatives (entrevues individuelles et collectives) et quantitatives (indicateurs usuels de réussite,
Inventaire des Acquis Précollégiaux (IAP), tout en reprenant certains instruments plus typiques
de la recherche participative (journaux de bord, fiches d’appréciation des participants).
"Tant les données qualitatives que les données quantitatives nous indiquent des résultats
impressionnants : meilleurs taux de persévérance et de réussite des deux cohortes qui ont
expérimenté les mesures comparativement à la cohorte de l’année précédant les mesures,
amélioration du climat général, notamment de la relation entre les élèves et entre les élèves et
leurs enseignants et enseignantes.
La majorité des participants et des participantes, tout en notant leur satisfaction générale, ont
également soulevé plusieurs correctifs à apporter aux diverses mesures. Ainsi, la recherche-action
a permis de définir des éléments importants d’un modèle d’intervention favorisant l’intégration,
la persévérance et la réussite scolaires des garçons aux études collégiales, modèle qui doit toutefois
être bonifié et validé. Cette recherche ouvre aussi la porte à d’autres questions visant à alimenter
les recherches futures dans le domaine." -- Résumé des auteurs