"La présente recherche est née d’un besoin : celui des enseignant.e.s du milieu collégial qui, dans un
contexte de débats très médiatisés sur la liberté académique depuis 2020, se sentent déstabilisés voire
démunis ou se questionnent tout simplement sur les stratégies pédagogiques à adopter pour parler de
certains sujets considérés comme sensibles. L’enjeu est de taille pour les enseignant.e.s : d’un côté, d’un
point de vue pédagogique, il est nécessaire d’aborder tous les sujets dans un contexte d’apprentissage
pour habituer les étudiant.e.s au désaccord, pour déconstruire les préjugés ou encore pour développer
l’esprit critique; d’un autre côté, les inconforts, les crispations voire les tensions qui vont avec le fait
d’aborder certains sujets peuvent nuire à la construction d’une communauté d’apprentissage et, ce
faisant, à la réussite et à l’inclusion des étudiant.e.s.
Le projet de l’IRIPII représentait une exploration de ces enjeux à partir du cas du Collège de Maisonneuve
à Montréal. L’objectif général de notre recherche était de mieux comprendre les enjeux autour des sujets
sensibles en classe et de partir de cela pour développer des outils destinés à l’ensemble des enseignant.e.s
du milieu collégial dans l’objectif de les aider à aborder les contenus pédagogiques auxquels les
étudiant.e.s peuvent se montrer sensibles. Notre recherche repose sur une démarche qualitative. Les
données ont été collectées grâce à 21 entrevues et 2 groupes de discussion avec 22 enseignant.e.s de
lettres, sciences sociales et humaines et langues et 21 entrevues et 2 groupes de discussion avec 27
étudiant.e.s de notre établissement entre octobre 2021 et juin 2022.
Les données collectées nous ont permis de brosser un portrait riche, détaillé et nuancé des enjeux, des
défis et des discours des enseignant.e.s et des étudiant.e.s de notre établissement sur les sujets sensibles.
Nos résultats montrent que, même si la question du désaccord reste pertinente, une bonne
compréhension des sujets sensibles ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur les silences qui les
entourent et sur les affects qu’ils (ré)activent. Notre recherche montre comment les appréhensions des
enseignant.e.s autour de la question des sujets sensibles sont en partie liées aux défis pédagogiques que
pose concrètement la diversité en classe. Des enseignant.e.s en arrivent à se questionner sur ce qui peut
encore rassembler les étudiant.e.s. D’autres s’interrogent sur leur position d’autorité et leur positionnalité
dans un contexte de remise en question de la neutralité. D’autres encore voient bien que les savoirs
académiques traditionnels présentent des limites et essaient d’intégrer les savoirs expérientiels dans
l’espace de classe dans une approche plus horizontale." -- Résumé des auteurs