Élaboration de principes directeurs pour optimiser les retombées des séjours linguistiques sur l’apprentissage des langues

Abstract

Les séjours linguistiques à court terme au Québec évoluent de deux manières : ils sont de plus en plus populaires et le nombre d’étudiants voyageant dans des groupes animés par des enseignants augmente progressivement. Ces changements soulèvent des questions sur la façon dont les méthodes d’enseignement peuvent contribuer à améliorer les résultats des séjours à court terme, en particulier dans le cas des étudiants en langues étrangères.

Afin de mieux cerner les pratiques pédagogiques les plus performantes, nous avons mené 48 entretiens avec 21 enseignants et 17 étudiants provenant de 7 cégeps qui ont animé ou participé à des séjours linguistiques de courte durée. Nous avons analysé ces données récoltées en s’appuyant sur la théorie constructiviste ancrée et l’analyse narrative thématique.

Notre première conclusion a confirmé les fruits des études existantes sur la charge cognitive (Sweller et al., 2019). Nous avons constaté que les enseignants novices en matière de séjours à l’étranger sont facilement dépassés par les tâches de planification d’un tel voyage car elles diffèrent considérablement de celles qu’ils effectuent dans la salle de classe. Ainsi, nous conseillons aux enseignants novices de recevoir davantage d’exemples provenant d’expériences d’autrui, ou bien à être mis en partenariat avec un mentor, ou encore à obtenir des connexions utiles et de déléguer leurs tâches. Au fur et à mesure que les enseignants novices deviennent plus expérimentés dans la planification des séjours, leur charge cognitive diminue et ils se mettent ainsi à la recherche de nouveaux défis.

Notre deuxième conclusion théorique soutient que les interventions fructueuses permettent, selon les enseignants, de maximiser les avantages des séjours linguistiques à court terme à l’étranger et que ces derniers peuvent être tout aussi efficaces que les études à long terme non encadrées. Les enseignants perçoivent une différence significative dans les résultats d’apprentissage selon trois conditions : premièrement, ils se doivent d’intégrer de manière pertinente les séjours linguistiques dans le programme d’études. Ensuite, ils doivent fixer des objectifs réalistes pour les séjours et adopter un répertoire de stratégies comprenant l’enseignement expérientiel et l’enseignement basé sur les tâches. Enfin, ils doivent impliquer de façon constructive les populations locales dans tous les aspects du séjour, de la phase préalable au départ jusqu’au retour au Québec.

Une autre de nos avancées théoriques a surgi quant à l’importance accrue des dimensions affectives et de la dynamique de groupe dans les séjours linguistiques. Dans des contextes d’études à l’étranger, les étudiants n’ont pas accès à leurs dispositifs d’autorégulation habituels (par exemple, famille, amis, activités) et à leurs routines quotidiennes. En s’appuyant sur la théorie des filtres affectifs de Krashen (1982), les étudiants en séjours à l’étranger accumulent facilement des filtres ou des obstacles qui les empêchent d’apprendre. Par conséquent, l’enseignant encadrant le séjour doit chercher à réguler l’affect au sein du groupe d’étudiants. Les moyens de réguler l’affect comprennent la sélection des étudiants, l’implication des étudiants dans la préparation du séjour, l’énonciation des règles et des attentes, l’écoute des besoins des étudiants et l’identification et la résolution des problèmes dès que possible.

Enfin, des recherches antérieures se sont concentrées sur les raisons financières et les contraintes de temps qui expliquent l’augmentation de la prévalence des séjours plus courts (Castañeda & Zirger, 2011). Toutefois, nos résultats ont montré que la préférence des étudiants pour les séjours à court terme découlait aussi en partie de leur besoin d’un voyage plus structuré qui permettait une relation mentor-protégé plus marquée dans la conception pédagogique. Les enseignants fournissent des routines, des rôles, des responsabilités, servent de modèles et de conseillers et travaillent avec les étudiants en tant que cocréateurs de l’expérience d’apprentissage. Ainsi, la question ne relève pas simplement des contraintes de temps et de coûts, mais plutôt du désir d’une expérience d’apprentissage particulière qui motive les étudiants à participer aux séjours linguistiques à court terme.

Les résultats théoriques de notre recherche remettent en question les hypothèses antérieures des recherches sur les séjours linguistiques à court terme qui se concentraient simplement sur la durée du séjour (une mesure quantitative) plutôt que sur les différences qualitatives apportées par les interventions pédagogiques des enseignants et la nature d’un séjour à court terme en groupe